Les plantes bio-indicatrices
Samedi 26 mai avait lieu à Saulx une animation autour du potager avec comme sujet d'étude les plantes sauvages souvent vues d'un mauvais œil mais qui, s'avèrent être, comme nous allons le découvrir, bien utiles pour comprendre et améliorer nos pratiques culturales.
C'est Gérard DUCERF, ancien agriculteur, botaniste de terrain depuis 1979, spécialiste et auteur de l'encyclopédie des Plantes bio-indicatrices alimentaires et médicinales qui est intervenu et a partagé son savoir avec les adhérents de La Charmotte.
Résumé de l'animation
L'exposé
La séance a débuté par la présentation du concept de plante bio-indicatrice et plus particulièrement des raisons de la levée de dormance (c'est-à-dire ce qui déclenche la germination d'une graine).
Gérard Ducerf a expliqué que pour de nombreuses plantes, si on arrivait à décoder cette levée de dormance, on pourrait connaître les caractéristiques du sol.
Sur le terrain
Après cette entrée en matière, le groupe s'est dirigé vers le potager pour une démonstration. Trois parcelles furent étudiées et un diagnostic du sol fut promptement établi.
l'exposé
Connaitre et classer les plantes
Pour classer le vivant, on a longtemps utilisé la classification systématique Linéenne du nom de Carl Von Linné qui inventa la nomenclature binominale (nom d'espèce + nom de genre) encore utilisée. Cette classification est basée sur les ressemblances entre espèces.
Mais elle a été remaniée et remplacée par la classification phylogénétique basée sur la logique évolutive (avec des ancêtres communs), qui s'appuie grandement sur l'analyse du génome (patrimoine génétique).
La classification phylogénétique sert à visualiser l'évolution des êtres vivants : elle regroupe ensemble les êtres vivants, qui ne se ressemblent pas forcément, mais qui ont le même ancêtre commun.
On fait un classement :
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en famille par rapport à la structure du fruit et de la fleur (critères stables, seuls éléments génétiquement fixés dans la plante)
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en genre et espèce (nom et prénom du végétal)
nota : la couleur dans une plante est très variable. Elle peut évoluer naturellement en fonction de la nature du sol. Aussi, elle ne sert pas à faire de classement.
Livres :
Dormance et développement :
Pourquoi les plantes poussent-elles là où elles sont ?
3 éléments principaux conditionnent l’apparition d’une plante là où elle pousse :
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les conditions de germination.
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les éléments nécessaires à son développement.
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corrélativement l’action de l’homme sur le sol.
Les conditions de germination : la levée de dormance
On compte 7 000 espèces en France aujourd’hui. Elles ont toutes des conditions de germination (levée de dormance) différentes.
Ce qui fait lever les graines, c’est le phénomène de la levée de dormance. L'état de dormance désigne, chez les végétaux, un arrêt momentané du développement. L'état de dormance de l'embryon dans la graine peut durer plusieurs années et même plusieurs dizaines d'années, voire plusieurs siècles (record: 1300 ans pour le lotus sacré de Chine et 2000 ans pour le dattier de Massada).
L'état de dormance est levé au cours d'un certain nombre de processus (choc, flash lumineux, remontée de PH, labourage, déminéralisation brutale, etc...).
Exemple du Chardon commun (Cirsium arvense): Les graines qui germent chez nous ont subi un vieillissement de plusieurs dizaines d'années (elles datent de l’arrière-grand-père). La levée de dormance est provoquée par un engorgement en azote, particulièrement en nitrites et par le blocage du phosphore.
Exemple de la renouée du japon (Reynoutria japonica)
En climat tempéré, c'est une plante produisant une grande quantité de biomasse aussi bien racinaire qu'aérienne.
En Europe, c'est une plante mellifère intéressante pour les apiculteurs car elle fleurit à la fin de l'été, à une époque où peu de fleurs subsistent.
AU XVIIIème siècle une nouvelle tentative d’introduction donna les mêmes résultats.
Dans l’intervalle, la plante a pu disséminer ses graines sur le territoire, graines qui sont passées à l’état de dormance en attendant des conditions favorables.
Dans les années 60 – 70 cette plante réapparaît spontanément… Pourquoi ?
La graine de Renouée du Japon lève sa dormance en présence de gisement de fer et de nickel. C’est une plante métallifère. Son apparition est donc synonyme de présence de métaux lourds dans le sol, donc de pollution. Mais c'est aussi le remède car elle fixe les polluants dans sa biomasse et, avec le temps, elle va fossiliser les métaux lourds qui seront ainsi isolés de la biosphère.
Remarque : cette plante s'accommode aussi très bien des herbicides de synthèse qui la stimule.
Les conditions nécessaires au développement :
Exemple du Chardon commun (Cirsium arvense) : Lorsque le Chardon commun se développe, c'est le signe que le sol est dégradé, en anaérobiose (sans oxygène) et que les oligoéléments sont bloqués (notamment le phosphore). Il est souvent accompagné de la libération d'AL+++, de Fe+++ et de la production de nitrites, ces 3 substances étant néfastes pour la santé, favorisant des maladies de dégénérescence nerveuse.
Le phosphore est essentiel à la croissance générale de la plante, notamment des racines et des tiges. En fin de végétation, il est stocké dans les organes de réserves pour servir au développement des futures pousses.
Le chardon va trouver du phosphore grâce à ses racines profondes et le stocker. De plus il va décompacter le sol, faire circuler l'air et l'eau et rétablir une vie microbienne aérobie et donc soigner le sol.
Une fois l’équilibre retrouvé, la plante disparaîtra pour laisser la place à d’autres appropriées à l’évolution du sol.
Notons au passage que l’apparition d’une plante sur un sol en déséquilibre d’azote par rapport au carbone, par exemple, ne signifie pas qu’il n’y pas ou peu d’azote, mais que l‘équilibre entre azote et carbone est rompu : trop de carbone par rapport à la quantité d’azote.
L’action de l’homme sur le sol :
L’action de l’Homme sur le terrain conditionne ce qui y pousse.
Exemple des trois carrés de culture :
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Dans le premier carré, C1, on bêche un terrain sec et on ratisse.
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Dans le deuxième, C2, on ne fait rien.
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Pour le dernier, C3, on arrose le sol, on bêche et on ratisse.
Dans cas C1, l’action de bêcher un terrain sec créera une minéralisation brutale. Seules les graines pour lesquelles la levée de dormance nécessite cette minéralisation et un sol sec se mettront à pousser.
Dans le cas C2, rien ne bouge, la végétation ne sera pas modifiée.
Dans le cas C3, l’arrosage sera l’élément différenciant pour la levée de dormance des graines présentes sur la parcelle.
Au final, nous obtenons trois carrés avec des espèces végétales différentes.
Sur le terrain
Première parcelle:
Véronique de Perse :
Il existe soixante sortes de véroniques avec des indications différentes.
Indication : la véronique de Perse est nitratophile. Il y a un début de compactage et un fort taux d’azote dans le sol car cette plante a besoin de beaucoup d’azote pour se développer.
Mouron blanc :
Indication : le carbone a fait de l’humus, forme stable de la matière organique. Le sol est fertile.
Plantain lancéolé :
Indication : sol riche en carbone, bonne activité microbienne aérobie.
Salsifis des prés (salsifis sauvage) :
Indication : équilibre parfait du jardin
Donc la présence de ces plantes indique globalement un bon équilibre du sol dans la première parcelle
Deuxième parcelle :
Oxalis des fontaines :
Indication : C'est un signe d'érosion. Si cette plante est présente sur le terrain, cela signifie que le sol n’a pas de capacité de stockage. Il n'y a plus de matières organiques. Il ne faut jamais de sol nu donc couvrir avec de la paille, du foin pour apporter du carbone.
Renoncule rampante:
Indication : sol piétiné, retourné, présente au bord du jardin
Si la plante fait des stolons (tiges horizontales sur le sol), cela signifie que la terre est asphyxiée, engorgée en eau et en matière organique.
Il faut avoir une aération de microfaune avec les champignons, les bactéries. Il faut donner de la nourriture au jardin, de la matière organique.
Potentille rampante:
Indication : Comme pour la renoncule rampante, elle indique un sol engorgé, asphyxié
Liseron des champs:
Il est nitratophile
Indication : Présence de nitrate dans le sol d'origine organique (excès de matière organique) ou de synthèse (nitrate d'ammonium
Rumex des Alpes:
Indication : Là encore, c'est un signe d'asphyxie et d'engorgement en matière organique. Cela provoque un hydro-morphisme, les bactéries aérobies disparaissent et laissent place aux bactéries anaérobies qui remontent.
Les paramètres physico-chimiques sont modifiés :
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les nitrates (essentiels) sont transformés en nitrites (toxiques),
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les argiles sont dégradées et libèrent l'ion aluminium Al+++ qui est lui aussi toxique (pour le système nerveux).
Cette parcelle présente des signes de compactage et d'excès de matière organique. Il faudra éviter les apports de fumier et remédier au tassement du sol.
Quelques conseils
Le travail du sol
Le sol est composé de matière organique issue de la biomasse qui apporte les éléments azote (N) et Carbone (C) et de matière minérale qui apporte le calcium (Ca), le magnésium (Mn), le potassium (K) et le phosphore (PO).
La fertilité du sol dépend essentiellement de la présence de 6 éléments. On s’aperçoit qu’il n’est pas nécessaire que ces matières soient en dissolution dans le milieu naturel. Leur présence dans la roche mère suffit à permettre l’apparition de la plante.
Dans un jardin, on n’apporte pas d’engrais, on nourrit la terre en favorisant le développement des champignons, des bactéries, vers de terre, etc.. Il faut rééquilibrer les paramètres en mettant des bactéries, des champignons, des vers de terre, des collemboles, du foin.
Les apports en matière organique carbonée peuvent être obtenus par le foin, la paille, la fougère, le BRF (bois raméal fragmenté), ou un équivalent : le fumier de cheval. Cela assainit le sol.
Il ne faut pas retourner le terrain plus de 10 cm. On gratte la terre sur 5 cm de profondeur pour ne pas perturber l’organisation des micro-organismes et on met la matière organique dessous pour enrichir le terrain. Il faut fragmenter à plat (actisol : machine agricole) et non labourer (retourner) en profondeur sur 30 cm.
Pour aérer le sol on peut utiliser une grelinette.
On ne laisse jamais un sol nu : le paillage au foin ou à la paille permet une bonne couverture entre les cultures. Pour l'hiver, il faut semer en automne de l’engrais vert : luzerne, phacélie, moutarde, etc. ou pailler avec du foin ou de la paille (apport de carbone). Ne pas utiliser de bâche ou de carton qui empêche l’air de passer
Si l’on veut apporter du carbone avec de l’herbe verte, il est nécessaire de la laisser pousser jusqu’à ce qu’elle fasse des tiges. En effet, le carbone est ce qui assure la rigidité de la structure dans une plante, donc les tiges. Ne pas faucher.
A noter que 100g de matière organique fossile stocke 1 litre d’eau.
Potions et recommandations
Anti-limaces, anti-campagnols : faire macérer à froid des piments forts coupés en morceaux. 1 poignée de piments dans un arrosoir de 10 litres. Laisser macérer 12 à 24h.
Arbres : acheter 1 kg de farine de blé bio T110. Un peu de farine dans de l’eau de source. Faire une pâte claire et mettre dans un local dont la température est >= à 18 degrés. Tous les jours, ajouter de la farine et de l’eau. Attendre que cela fasse des bulles. Prendre un verre de ce levain et le diluer dans 10 litres d’eau. Cette potion résout beaucoup de problèmes sur les arbres. Le reste du levain est à mettre dans le compost ou utilisé pour faire du pain.
Amendement calcaire : ne jamais mettre de calcaire en poudre (chaux) sur un terrain, ça tue tout. Il faut utiliser uniquement du calcaire concassé.
Acidité du sol : le PH optimal pour un sol est aux alentours de 5,5.
Substituts de la viande : 200g de galinsoga ou d’ortie remplace 100g de viande
Citation de Gérard Ducerf: Une mauvaise herbe, c'est une bonne herbe dont on ne connait pas l'utilité.
Sources bibliographiques
DUCERF Gérard: L'encyclopédie des plantes bio-indicatrices alimentaires et médicinales, guide de diagnostic des sols.3 volumes de 350 pages Editions Promonature "Beauloup 71110 BRIANT